À partir des années 1970, la figure de la sorcière devient un archétype de la résistance pour les collectifs féministes. Des États-Unis à la France, la sorcière est assimilée à une femme puissante en lutte contre le patriarcat.
Avec

Lucie Pouclet, docteure en sciences de l’information et de la communication de l’université Lyon 2
Maryse Simon, docteure en histoire de l’université de Strasbourg
Michelle Zancarini-Fournel, professeure émérite d’histoire des femmes et du genre à l’université Claude Bernard Lyon 1

De Jeanne de Brigue dans l’Europe médiévale à Yama-Uba, la sorcière dans les montagnes du Japon, sans oublier Baba Yaga, dans le monde slave, les sorcières sont partout et de tout temps (et désormais, sur les réseaux sociaux). Elles sont surtout présentes dans notre imaginaire, ou plutôt nos imaginaires, entre détestation et fascination, oppression et combat.
Relier la sorcière au féminisme

À la fin du 19ᵉ siècle, les sorcières incarnent l’idée de résistance pour les femmes. Aux États-Unis, la suffragette Matilda Joslyn Gage se sert de la figure de la sorcière pour en faire une femme puissante, dans un contexte de lutte pour le droit de vote. À l’encontre de la réalité historique, la sorcière est perçue comme une figure rebelle, revendicatrice de droits, qui a combattu l’autorité patriarcale dans les siècles précédents. Pourtant, "les femmes accusées de sorcellerie pendant l’époque moderne étaient très rarement des rebelles et n’avaient pas de velléité de renverser la société", précise Maryse Simon, docteure en histoire et spécialiste de l’histoire de la sorcellerie dans l’Europe moderne. "Cette distorsion de la réalité utilise une image fascinante. Dans le terme fasciner, il y a l’idée de quelque chose qui paralyse la réflexion." Dans son ouvrage Woman, Church and State, paru en 1893, Matilda Joslyn Gage avance le chiffre, non vérifié, de 9 millions de sorcières tuées (les historiens et historiennes estiment aujourd’hui le nombre d’exécutions de sorcières, ainsi que de sorciers, entre 40 000 et 70 000).